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Article détaillé sur dans la tête d'un recruteur : comprendre les enjeux des entretiens
Comprendre les enjeux

Dans la tête d'un recruteur : Comprendre les enjeux des entretiens

Vous avez déjà quitté un entretien en vous demandant ce qui n'avait pas marché ? Vous pensiez avoir les compétences pour le poste, l'entretien semblait bien se passer, et pourtant : refus. Sans explication claire. Cette situation frustrante, des milliers de candidats la vivent tous les mois.

Le problème n'est généralement pas votre manque de compétences. Le problème, c'est que réussir un entretien - particulièrement le "screening" - demande de maîtriser des codes qui ne sont jamais explicités. On ne sait pas forcément ce qu'attend expressément un recruteur, et quand on échoue, on obtient très rarement du feedback sincère qui nous permettrait de nous améliorer.

Cette incompréhension génère un cercle vicieux : on échoue sans comprendre pourquoi, on perd confiance, on communique moins bien, on échoue à nouveau.

J'aimerais, à travers cet article, vous partager quelques réalités sur le rôle d'un recruteur, non pas pour excuser les ratés du système, mais pour en souligner les limites, et vous aider à comprendre ce qui compte vraiment pour réussir.

⏰ Le cadre réel : 30 minutes pour tout jouer

Un screening dure en moyenne 30 minutes. Parfois plus, parfois moins. Dans tous les cas, c'est court, très court. Décomposons ce qui se passe réellement : 2-3 minutes de présentation et small talk, 10 minutes où le recruteur présente l'entreprise et le poste, 2-3 minutes de conclusion sur les prochaines étapes.

Si on enlève cela, il reste donc environ 15 minutes effectives pour l'évaluation d'un candidat. Quinze minutes pendant lesquelles le recruteur doit valider votre parcours, comprendre vos motivations, évaluer votre adéquation culturelle, vérifier l'absence de deal-breakers, jauger votre niveau d'intérêt réel, et se faire une opinion sur votre potentiel. C'est une mission quasi impossible qui explique pourquoi tant de bons candidats ne sont pas retenus (et d'autres moins bons le sont).

Suivant cette contrainte temporelle, le recruteur se doit de travailler avec ce qu'il a et ce qu'il voit. Il ne peut pas creuser en profondeur chaque aspect de votre profil. Il doit donc s'appuyer sur des indices : la clarté de votre expression, la cohérence de votre discours, l'énergie et l'intérêt que vous dégagez, et extrapoler à partir des quelques exemples que vous lui fournirez.

📊 La pression du volume et ses conséquences

Un recruteur gère simultanément souvent entre 5 et 15 processus de recrutement en parallèle. Cela représente des centaines de CV à analyser chaque semaine, des dizaines d'entretiens de screening, des dizaines de comptes-rendus à rédiger, et autant de feedbacks à donner.

Quand vous arrivez en entretien, rappelez-vous que votre screening n'est qu'un parmi beaucoup d'autres dans la journée du recruteur. Quand vous vous connectez, il sort peut-être d'un entretien décevant, ou anticipe les trois autres qu'il doit mener ensuite. Cette réalité impose une nécessité : mettre son ego de côté, et marquer les esprits rapidement. En commençant simplement par une communication claire et impactante dès les premières minutes.

⚖️ Le dilemme permanent : quantité versus qualité

Le recruteur vit une tension permanente entre deux impératifs contradictoires qui définissent la qualité de son travail. D'un côté, il doit être sélectif : chaque candidat envoyé en deuxième entretien engage sa crédibilité. Si un manager perd du temps avec des candidats inadéquats, la confiance s'érode rapidement. "Pourquoi me fais-tu rencontrer des profils qui ne correspondent pas ?" Cette question, tout recruteur l'a entendue et la redoute.

De l'autre côté, il doit maintenir un flux suffisant de candidats. Les chiffres ont beau varier d'un rôle à un autre, ou d'une entreprise à une autre, les statistiques donnent toujours une moyenne sur le nombre de candidats qu'un recruteur doit interviewer (et faire passer en deuxième round) pour maximiser les chances de trouver et signer LA bonne personne.

Si le recruteur est trop sélectif, s'il n'envoie que les profils "parfaits", il diminue drastiquement les chances de conclure le recrutement.

Ce dilemme permanent crée une pression psychologique constante. À chaque décision post-screening, le recruteur doit arbitrer : "Ce candidat mérite-t-il de continuer ? Les doutes que j'ai sont-ils rédhibitoires ou acceptables ? Est-ce que je prends le risque de le présenter ?"

Chaque fois qu'il prend cette décision, le recruteur sait que s'il choisit mal, il peut soit refuser (et donc perdre) un candidat qui aurait pu s'avérer excellent, soit faire avancer un mauvais candidat qui va faire perdre du temps à l'équipe.

🤝 Le recruteur : un allié potentiel à comprendre

Malgré toutes ces contraintes, il existe une vérité fondamentale souvent méconnue des candidats : le recruteur commence chaque entretien en espérant que vous soyez excellent. Même si, sur le papier, votre profil ne coche pas toutes les cases, le recruteur espère de tout cœur que vous allez le surprendre positivement. Cette posture optimiste n'est pas de la naïveté, mais une nécessité professionnelle. Trouver de bons candidats est littéralement son job, sa raison d'être professionnelle.

Cette réalité crée une dynamique particulière. Contrairement aux autres intervieweurs que vous rencontrerez plus tard dans le processus - managers sceptiques cherchant la faille, équipiers méfiants craignant la disruption -, le recruteur VEUT que vous réussissiez. Il espère que vous serez celui ou celle qui ira au bout du processus, et qui validera son expertise auprès de ses collègues ou clients.

Comprendre cette vérité, c'est comprendre que vous n'êtes pas face à un adversaire à convaincre, mais face à un allié potentiel à rassurer. La nuance est cruciale. Il ne s'agit pas de "passer" un test, mais de donner au recruteur les munitions dont il a besoin pour devenir votre avocat dans la suite du processus.

👉Pour creuser ce point, vous pouvez lire : Comment faire d'un recruteur son meilleur allié

🎯 Ce qui compte vraiment pour un recruteur (au-delà du CV)

Revenons à l'entretien de screening. 15 minutes en moyenne pour le recruteur, pour vous évaluer correctement, et valider ou invalider une multitude de critères définis en amont (souvent pas par lui). Cette mission impossible fait que le recruteur base la plupart du temps sa décision sur quelques critères plus "macro", des signaux forts, qui sont globalement les mêmes quels que soient le rôle, l'entreprise ou l'industrie concernés.

D'abord, évacuons les critères "binaires"

Certains éléments sont purement factuels - vous cochez les cases, ou pas. Le recruteur doit les vérifier, mais il n'a pas à faire preuve de capacité d'analyse sur ces points.

  • Les compétences techniques indispensables (maîtrise d'un langage, d'un outil)
  • Les prérequis logistiques (permis B, mobilité géographique)
  • Le niveau de langue requis
  • L'adéquation avec la fourchette salariale
  • Les diplômes ou certifications obligatoires

Bref, ces critères ne nous intéressent pas vraiment ici.

Les critères subjectifs d'évaluation

Au-delà des cases à cocher, voici les signaux principaux qui guident vraiment la décision d'un recruteur :

1. Clarté et concision

C'est le premier filtre, et peut-être le plus impitoyable. Un candidat qui s'emmêle dans ses explications, qui part dans tous les sens, qui noie l'essentiel dans le superflu - c'est un risque immédiat pour le recruteur. Pourquoi ? Parce que la capacité à communiquer clairement est un proxy pour tout le reste. Si vous ne savez pas expliquer ce que vous avez fait en 2 minutes, comment allez-vous présenter un projet en réunion ? Comment allez-vous collaborer efficacement? Le recruteur sait que présenter un candidat confus, c'est prendre le risque d'entendre plus tard : "Il est peut-être compétent, mais personne ne comprend ce qu'il dit / je ne me vois pas travailler avec lui."

2. Intérêt et motivation authentiques

Bien sûr, le screening, c'est autant pour présenter l'entreprise au candidat que l'inverse. Le candidat n'est pas censé arriver avec une motivation infaillible pour une entreprise et un rôle qu'il connaît encore à peine. Mais tout est une question de balance.

Un candidat qui fait trop peu d'effort pour montrer son intérêt, dans la tête d'un recruteur, c'est d'abord quelqu'un qui risque de bâcler sa préparation pour l'entretien suivant, en arrivant devant le manager sans s'être vraiment renseigné, ou qui abandonnera le processus du jour au lendemain, sans donner de nouvelles.

Le recruteur a donc besoin d'être rassuré : "Le candidat s'est-il renseigné un minimum? Puis-je lui faire confiance pour préparer les prochains entretiens et pour se donner à fond dans le processus?"

3. Esprit critique

Le recruteur évalue votre capacité à comprendre au-delà de l'évident. Un candidat qui comprend vraiment, c'est celui qui saisit les sous-entendus dans les questions, qui rebondit intelligemment sur ce qui est dit, qui crée une conversation qui a du sens. C'est celui qui ne se contente pas de décrire ses tâches mais qui comprend et sait expliquer pourquoi il fait ce qu'il fait.

Cette capacité de compréhension est un indicateur puissant de performance future. Quelqu'un qui manifeste une vraie réflexion autour de son rôle, qui saisit les enjeux au-delà de son périmètre direct, qui peut parler des décisions stratégiques et de leurs implications - c'est quelqu'un qui pourra naviguer efficacement dans l'organisation, prendre des initiatives pertinentes, collaborer intelligemment. Le recruteur sait qu'un candidat qui "capte vite" sera plus autonome, plus efficace, plus fiable pour l'équipe.

4. Énergie et dynamique relationnelle

Au-delà des mots, le recruteur capte une énergie, une présence. Et attention, ce n'est absolument pas une question de parler fort en agitant les bras - un introverti passionné et curieux vaut infiniment plus qu'un extraverti blasé qui monopolise la parole. L'énergie dont on parle, c'est cette curiosité palpable, cette passion pour ce qu'on fait, cet intérêt sincère pour comprendre et contribuer.

Mais c'est aussi, et surtout, tous ces signaux subtils qui indiquent qu'on pourra bien travailler avec vous au quotidien. Le recruteur cherche à sentir si vous êtes quelqu'un de fiable, avec qui la communication sera fluide, en qui on pourra avoir confiance. Quelqu'un d'humble qui sait écouter, qui pose des questions pertinentes, qui montre qu'il peut s'adapter. En somme, tous ces éléments intangibles qui font qu'une collaboration fonctionne ou pas. Le fameux "fit culturel", c'est exactement ça : est-ce que l'équipe aura envie de bosser avec vous tous les jours ?

5. Honnêteté intellectuelle et authenticité

L'authenticité, c'est d'abord la capacité à reconnaître ses zones de développement, à parler de ses échecs comme des opportunités d'apprentissage, à montrer qu'on est en constante évolution. Un candidat qui prétend n'avoir jamais échoué ou qui présente chaque expérience comme un succès total éveille immédiatement la méfiance.

Mais c'est aussi, et c'est crucial, la transparence dans tout ce que vous partagez : vos expériences passées (sans dénigrer, mais sans enjoliver), vos autres processus en cours (sans mentir ni cacher), vos attentes salariales (sans jouer au poker menteur). Le recruteur a besoin de sentir qu'il peut vous faire confiance, que vous ne le menez pas en bateau, que votre discours est cohérent et sincère.

⚠️ L'imperfection assumée du système

Soyons lucides : évaluer quelqu'un en 30 minutes n'est pas une science exacte. C'est même profondément imparfait. Des excellents candidats sont refusés tous les jours pour de mauvaises raisons - un jour sans, une question mal comprise, un recruteur débordé. À l'inverse, des profils inadéquats passent parfois entre les mailles, portés par un bon feeling ou une présentation bien rodée.

Cette imperfection est frustrante mais inévitable. L'humain n'est pas réductible à 30 minutes d'échange. Le recruteur le sait, vous le savez, mais le système impose ce format.

Ce que vous venez de lire - les contraintes de temps, la pression du volume, le dilemme qualité/quantité - explique pourquoi certaines décisions peuvent sembler arbitraires. Mais cela révèle aussi les leviers sur lesquels vous pouvez agir. Quand on sait qu'un recruteur n'a que 15 minutes pour se faire une opinion, on comprend l'importance cruciale de la clarté. Quand on se rappelle que le recruteur rencontre potentiellement 100 candidats par mois, on range son ego de côté et on réfléchit aux éléments qui nous permettront réellement de nous démarquer.

L'objectif n'est pas de "hacker" le système. C'est d'aligner votre communication sur sa réalité. De faire en sorte que votre vraie valeur transperce malgré les contraintes du format.

Le screening restera imparfait. Mais comprendre ses règles, c'est déjà reprendre du pouvoir sur le processus.

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